Peut-on vivre en 2050 en émettant moins de 2000 kg CO2e sans retourner à la bougie ?

Parmi mes ateliers collaboratifs, j'aime bien animer la version junior de l'atelier Inventons Nos Vies Bas Carbone. Il s'agit d'une adaptation de l'atelier initial pour un public enfant-ado. Mais pour ma part, je l'utilise en partie aussi avec un public adulte.

Au cours de cet atelier (que ce soit le junior ou l'original), on découvre qu'aujourd'hui un Français émet en moyenne 10000 kg CO2e par an. Et que pour éviter de dépasser +1,5°C d'augmentation de la température moyenne de notre planète, il faudrait que nous passions tous en dessous de 2000 kg CO2e par an d'ici 2050.

Mais est-ce possible d'émettre moins de 2000 kg CO2e par an en 2050 sans revenir à la bougie, sans se priver de manger de la viande ni de voyager loin ?

Pour tenter de répondre à cette question, les participants ont à disposition différentes cartes exemples pour créer la vie de deux personnages :

• Minichou qui émet le moins possible de gaz à effet de serre (CO2e)

• Maxichou qui peut émettre autant de gaz à effet de serre qu'il le désire

tout cela en respectant les mêmes règles de vie :

• s'habiller

• manger

• voyager loin (3 fois par an)

• s'amuser (avec 3 activités différentes)

• avoir chaud en hiver

• aller à l'école ou au travail

• utiliser un ordinateur et un téléphone portable

• se soigner après s'être cassé la jambe

Dans l'exemple montré en photos, Minichou a obtenu une empreinte carbone de 1870 kg CO2e et Maxichou de 17255 kg CO2e (ce qui nous donne une moyenne de 9562,5 kg CO2e). Donc on a réussi à atteindre une empreinte carbone inférieure à 2000 kg CO2e. Mais cette empreinte carbone a-t-elle fait envie aux participants ? A vrai dire, pas trop, en particulier à cause du régime végétalien. Mais lors de cet exercice, il peut aussi y avoir un blocage en ce qui concerne les voyages, que ce soit pour les déplacements quotidiens ou les voyages au loin. Enfin, en fonction du public, il peut y avoir discussion sur les services publics, qui aujourd'hui pèsent 1000 kg CO2e dans l'empreinte carbone d'un Français. Donc pour passer à 2000 kg CO2e d'ici 2050, cela donne l'impression de devoir beaucoup se priver.

Pour ma part, aujourd'hui, mon empreinte carbone se situe entre 5000 et 6000 kg CO2e.

Lorsque j'ai commencé à animer La Fresque du Climat et Inventons Nos Vies Bas Carbone il y a 3 ans, j'ai changé mon régime alimentaire : je suis passée de une viande ou poisson tous les midis à une viande et un poisson par semaine. Et la viande est plus souvent du porc et du poulet que du bœuf, veau ou agneau.

Mon dernier voyage en avion date de 2017 entre Grenoble et Londres. Depuis, pour nos vacances, nous voyageons en train ou en voiture, avec 4 personnes dans la voiture.

Les points noirs aujourd'hui de mon empreinte carbone, c'est le chauffage de ma maison et mes déplacements réguliers en voiture, en milieu rural avec très peu de transports en commun et aucune piste cyclable.

Alors j'ai moi-même joué avec les cartes de Minichou et Maxichou pour simuler ma vie idéale en 2050 avec une empreinte carbone inférieure à 2000 kg CO2e.

Je suis d'abord partie du postulat de base que les services publics ne serait plus qu'à 200 kg CO2e en 2050, ce qui me laisse 1800 kg CO2e pour le reste de mon empreinte carbone.

J'ambitionne que mon logement sera très bien isolé et/ou avec un mode de chauffage non alimenté par une énergie fossile de telle manière à ce qu'il n'émette plus que 200 kg CO2e (je ne chauffe déjà qu'à 19°C, donc ce point-là ne me changera pas).

J'espère pouvoir me passer de voiture et profiter un maximum de transports en commun digne de ce nom ou de me déplacer en toute quiétude à pied ou à vélo.

Enfin, je progresserai encore dans mes fournitures en vêtements et autres équipements de la vie quotidienne, même si sur ce point-là, je suis déjà pas trop mal.

A l'heure actuelle, pour la question du logement, mais surtout pour les déplacements réguliers, il serait plus simple de déménager que de rester là où je vis. Pourtant, je n'ai pas envie de partir... Donc, une politique publique dans le bon sens est vraiment nécessaire.

Avec ces postulats, j'ai déjà une empreinte carbone de 760 kg CO2e. Il me reste donc 1240 kg CO2e pour manger, voyager loin et me distraire.

Pour me distraire, j'ai choisi sans me priver des activités qui émettent très de CO2e. Donc il me reste toujours 1240 kg CO2e pour manger et voyager loin.

J'ajoute ensuite un régime végétarien et je vois ce qu'il me reste pour voyager loin.

Avec de la viande 1 fois par semaine, je ne change pas beaucoup mon régime actuel. Je passe à 1960 kg CO2e. Il ne reste donc plus que 40 kg CO2e pour voyager loin. Dans les cartes pour Minichou et Maxichou, je peux aller en Suède en train... ou à vélo. Mais je peux aussi faire un tour du monde à la voile !

En passant au régime végétarien, ce qui me paraît tout à fait faisable, ma future empreinte carbone passe à 1660 kg CO2e. Il me reste donc 340 kg CO2e pour voyager loin. Je peux toujours faire les voyages précédents. Mais je peux aussi aller en Suède en voiture, à condition d'être 4 dedans.

Enfin si je deviens végétalienne (beaucoup plus difficile pour moi à envisager), je ne suis plus qu'à 1060 kg CO2e d'où un budget de 940 kg CO2e pour voyager loin ! Et là, cette fois-ci, je peux aller en Suède en avion et y retourner en voiture à 4.

Peut-on continuer de manger de la viande une fois par jour ?

Cela paraît compliqué pour ne pas dire impossible étant donné que cela correspond à une empreinte carbone de 2200 kg CO2e par an juste pour manger.

Et peut-on continuer à voyager TRÈS loin, sur des destinations où l'avion est quasiment obligatoire ?

Minichou et Maxichou ont la possibilité d'aller en Australie en avion, ce qui donne une empreinte carbone de 4200 kg CO2e. Donc un tel voyage tous les ans devient impossible.

Dans le cas où je mange de la viande 1 fois par semaine avec mes postulats de base, je ne pourrai y aller qu'une fois tous les... 105 ans sans autre voyage à côté. Donc cela paraît compromis.

Dans le cas où je deviens végétarienne, je pourrai faire ce genre de voyage sans autre voyage tous les 13 ans.

Et dans le cas où je deviens végétalienne, je pourrai visiter l'Australie tous les 4 ans et demi.

Donc je m'aperçois que les longs voyages en avion ne sont pas complètement impossibles !

Il est sûr que les voyages au bout du monde chaque période de vacances paraissent compromis si l'on veut respecter notre budget carbone. Mais beaucoup d'entre nous font déjà des choix pour gérer leur budget financier. Pourquoi ne pourrions-nous pas changer d'optique en évaluant d'abord notre budget carbone (et notre budget temps) ? Notre budget financier ne sera pas forcément plus compliqué à gérer.

En tout cas pour ma part, avec mes postulats de base, je vois qu'il serait pas mal que je devienne végétarienne pour continuer à découvrir l'Europe sur de courtes périodes. Et pourquoi pas m'organiser pour faire un long et lent voyage en Asie continentale ? Par contre, pour que tout cela se réalise, je vais avoir besoin de l'aide des pouvoirs publics pour réduire mon empreinte carbone quotidienne sur mon logement et surtout pour mes déplacements réguliers.

Pour comprendre plus en détails les tenants et les aboutissants d'une vie bas carbone à moins de 2000 kg CO2e d'ici 2050 sans passer à la bougie, je vous invite à participer à un atelier Inventons Nos Vies Bas Carbone, le petit plus étant d'avoir participé avant à une Fresque du Climat.

A savoir que l'atelier junior de Inventons Nos Vies Bas Carbone est disponible sur la plateforme ADAGE pour les collèges et les lycées et peut donc profiter du financement collectif du Pass Culture.

Je reste à votre disposition pour plus d'informations sur charlotte.barbut@gmail.com .